— Bonjour...
Élodie sursaute. Il ne lui semble pas connaître cette voix caressante, derrière elle. Elle compose un agréable sourire et se retourne. L'inconnu porte un costume gris à fines rayures. Il peut avoir quarante ans.
— Je ne te dérange pas?
Il ne s'adresse pas à Élodie. Un dispositif fixé à son oreille lui sert de téléphone. Il poursuit sa conversation sur le même ton et dépasse la promeneuse interloquée, sans lui prêter attention.
D'habitude, au parc, Élodie savoure les bruits de pas sur le gravier, le chant des oiseaux, jusqu’au bruissement des feuilles dans les arbres. Selon elle, les jacasseurs solitaires, c'est la fausse note. Coupés de leur entourage, ils s'expriment systématiquement plus fort que nécessaire.
Et puis zut. Élodie descend la rue de la Montagne, vire à gauche. Deux croisements plus loin se trouve le bazar. Pour une poignée de monnaie, on peut se procurer des assiettes, des bougies ou du matériel électronique. Élodie choisit un câble pour téléphone cellulaire. Sur le trottoir en face de la boutique, elle déballe son achat. Elle jette la boîte et la notice explicative dans une poubelle. Sans attendre, elle coince l'embout arrondi dans son oreille et enfonce l'autre extrémité dans la poche de son jean.
Et puis zut. Élodie descend la rue de la Montagne, vire à gauche. Deux croisements plus loin se trouve le bazar. Pour une poignée de monnaie, on peut se procurer des assiettes, des bougies ou du matériel électronique. Élodie choisit un câble pour téléphone cellulaire. Sur le trottoir en face de la boutique, elle déballe son achat. Elle jette la boîte et la notice explicative dans une poubelle. Sans attendre, elle coince l'embout arrondi dans son oreille et enfonce l'autre extrémité dans la poche de son jean.
Ainsi équipée, Élodie parcourt le chemin en sens inverse. Elle monte la côte, débouche dans le petit parc. L'heure de pointe culmine. Tant mieux. Elle prend une grande inspiration et s'écrie:
— Oui, tu peux le dire! Ahah! Quelle histoire... Moi? Oui, j'ai rencontré ma nouvelle patronne... oui, pas mal du tout, figure-toi... attentive, bonne communicatrice...
Tant qu'à envahir le territoire, considère Élodie en arpentant les allées du jardin, autant rester positif.
— On m'a confié un projet intéressant, continue-t-elle. Je vais redécorer une maison de repos. Ils veulent quelque chose d'épuré, genre hôtel chic. J'adore l'idée. C'est vrai, quoi ! Il faut en revenir, de l'ambiance hôpital ou pension de famille à la Balzac...
Chouette, se dit Marwan, trois pas derrière Élodie. Elle a l'air sympa, celle-là. Métier créatif, sensible aux Aînés... L'avantage lorsque les gens parlent au téléphone, se réjouit-il, c'est qu'on peut les étudier facilement. Ils ne se rendent compte de rien!
Mais Élodie a changé de sujet. Un léger vertige la saisit. Ses affabulations la grisent, elle, si discrète en temps normal. Elle brode dans toutes les directions, ajoute l'amoureux de ses rêves.
— Carl est à Paris pour affaires. Je lui prépare une méga-surprise. On va fêter nos dix ans, tu te rends compte?
Dommage, pense Marwan en s’éloignant.
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