Cava Nostra


Une semaine après avoir répondu à l'annonce, je me rendis au manoir. Les propriétaires, Marjorie et Philip Hills, sortaient au restaurant. Ils me laissèrent leur numéro de téléphone cellulaire, m'assurant que celui-ci resterait allumé. Pourquoi me serais-je inquiétée? Il n'y avait rien à garder — pas d'enfant, pas même un animal. Cependant, si le couple souhaitait engager quelqu'un pour surveiller la résidence, je n'éprouvais pas de scrupule à accepter.

Après leur départ, je gagnai le salon afin d'y lire, réservant ma curiosité. Des antiquités meublaient la pièce aux murs recouverts de tapisseries. Un silence pesant imprégnait les lieux. Je me levai bientôt pour mettre un fond musical. Si je ne trouvai aucun système de son, en revanche, je découvris la collection d'alcools. Je tirais fierté de ma connaissance en matière de whisky et me versai un doigt de Balvenie DoubleWood douze ans d'âge. S'il y avait des caméras, j'étais grillée. Mais ne m'avait-on pas suggéré d'agir en tous points comme si j'étais chez moi? Simplement, il n'était pas question d'aller à la cave. J'avais demandé pourquoi, sans obtenir de réponse.

Des antiquités meublaient la pièce aux murs recouverts de tapisseries.

Ragaillardie par le liquide-miracle, je m'aventurai dans la demeure. Je traversai un authentique boudoir, puis une salle à manger sans fenêtres, une cuisine et une buanderie. La porte au bout du corridor, en face de l'entrée, menait à la cave. Je l'évitai et gravis un imposant escalier vers l'étage des chambres et des salles de bains. Tout en haut, un grenier aménagé servait de local de spectacle. Je regagnai le salon.

Que contenait cette cave? Des documents précieux? Des bouteilles de vin que les Hills désiraient préserver des variations de température? Y avait-il un lien avec ma présence? Je me donnai le droit de savoir. Pour m'encourager, je m'offris une seconde rasade de scotch. La boisson au goût réglissé dissipa mes dernières hésitations.

À pas lents, je me dirigeai vers la zone interdite. Je posai la main sur la clenche de la porte et la fis pivoter. Verrouillée. On m'avait remis un trousseau de clés et je commençai à les introduire l'une à la suite de l'autre dans la serrure, non sans ressentir un peu de honte. Soudain, le verrou bougea.

Était-ce mon imagination? Ou les deux scotch bien tassés? Au moment d'ouvrir, il me sembla percevoir un bruit étouffé, tel un ballot de vêtements qu'on déplace. Épouvantée, je fis volte-face et courus en direction de la porte d'entrée. Comme dans un cauchemar, celle-ci s'ouvrit sur les Hills. Je m'élançai, contournai le couple et dégringolai les marches du perron, réussissant à m'enfuir dans la rue.

J'avais oublié mon sac. Le chauffeur d'autobus me laissa monter sans payer, tant ma confusion était flagrante. Je me réfugiai chez une amie et, après avoir téléphoné à la police, je dormis là. Le lendemain, les gendarmes m'appelèrent chez elle. Ils avaient mon sac à main. Ils me fixèrent rendez-vous au poste, car ils souhaitaient que je fasse une déclaration. Ils ne pouvaient commenter l'investigation, mais ils me remercièrent pour ma démarche.



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