Enfin, j’allais voir clair à travers ce fatras de régimes, privations, systèmes biscornus, conseils étranges et autres trucs qui fonctionnaient quelques jours avant que je m’engouffre à nouveau dans de mauvais réflexes alimentaires. Il était temps.
Celui que l'on nommait le docteur Selza se spécialisait en perte de poids. Ni nutritionniste, ni médecin, ni diététicien, mais un peu tout ça à la fois, le praticien garantissait des résultats durables, entre autres grâce à son propre cocktail faisant office de substitut de repas. Quoi! substitut de repas! ne venais-je pas de dire que je souhaitais en finir avec les stratagèmes inefficaces? Bizarrement, je plaçais mes derniers espoirs auprès de ce docteur. Naïve? évidemment. Désespérée? oui!
Malgré que je me sois présentée quelques minutes avant l’heure, une dame patientait dans la salle d’attente (une zone destinée exclusivement aux clients du docteur Selza).
![]() |
| une zone destinée exclusivement aux clients du docteur Selza |
— Oui, répondis-je en songeant soudain qu’elle accompagnait peut-être quelqu’un qui se trouvait avec Selza en ce moment.
— Vous voulez perdre combien?
— Au moins vingt kilos… vingt-cinq, en fait. J’aimerais m’alléger de vingt-cinq kilos.
— Moi, j’ai perdu soixante-deux kilos, dit la dame.
— Waouw! Félicitations…
— Oui, sauf que… regardez où ça m’a mise.
Je croyais qu’elle faisait allusion à sa minceur extrême et songeai qu’elle était peut-être devenue anorexique, mais elle claqua des doigts en un bruit sec et paf! elle disparut.
Qui se méprit en déchiffrant mon expression.
— Ne vous en faites pas, chacun avance à son rythme…
Que sous-entendait-il exactement?
— Euh, non, je viens…
Prise d’une inspiration subite, je changeai de ton.
— Pardon?
— Une de vos patientes. Âgée. Elle a perdu soixante kilos.
— C’est pour ça que vous avez pris rendez-vous? Vous êtes journaliste? Je n’ai pas de temps à dilapider avec ce genre d’inquisition. Je vous prie de quitter mon cabinet avant que j’appelle la sécurité.
M’inspirant de ce que dégageait la belle femme évaporée, je tournai les talons et ne me représentai jamais.
