En cette veille de Noël, Jingbei lit, enveloppée dans une couverture. Sur l’accoudoir, une tisane. À la radio, du jazz. Jingbei a accompagné Réal à la station ce matin: il prenait l'autobus de 7h30 pour Montréal. Ses parents l’ont invitée à réveillonner. Elle a refusé.
Elle imagine l'assemblée. Les enfants jouent; les grands bavardent, ils boivent du vin. Elle entend les questions de la part de ceux qui ne sont pas au courant. Où se trouve la petite Chinoise? D'où est-elle originaire, encore? Shanghai, Hong Kong? Ah, un village au nom imprononçable? Oh, elle est restée à Rimouski? Pourquoi n'est-elle pas venue avec Réal?
Réal fournit des réponses vagues. Son épouse est une solitaire, elle a parfois besoin de se retrouver. Il ne ment pas: tout va bien entre eux — maintenant. L'année a été difficile. Si un battement d'ailes de papillon peut déclencher une tornade, le clin d'œil du prof de yoga, lui, a pulvérisé le couple.
Le visage appuyé contre la fenêtre, elle réfléchit. Elle fera un détour par l'exquise boulangerie à deux coins de rue de chez eux. Elle prendra des croissants, et la plus grande bûche de l'étalage. Elle ferme les yeux. Elle a hâte de rejoindre sa famille.
