Aux côtés de Korn, Sal conduit vite, bien qu'une fine couche de
neige couvre la route. Il faut dire que Sal manœuvre le véhicule à la
perfection. C'est un concours de circonstances s'il se retrouve au volant d'une
camionnette: piloter une Formule 1 correspondrait mieux à ses capacités.
Le feu passe au vert. Ils virent à gauche, s'engageant sur le boulevard.![]() |
Sal conduit vite, bien qu'une fine couche de neige couvre la route. |
Une petite dame traverse la chaussée. Souriante, dans son droit, elle marche d'un pas alerte. Pareille occasion ne se rate pas, pense Sal en se dirigeant vers elle. La piétonne reste calme. Assurément, la fourgonnette ralentira sous peu. Elle agite le bras à leur intention, comme pour dire: «Salut les gars, je termine, puis c'est à vous!»
Sal ressent une bouffée d'excitation. Surtout, éviter la pédale de frein. Le jeu démarre vraiment maintenant. Korn et lui, hilares, méprisent la dame saisie de peur. La jolie bouche s'ouvre en un cri, éveillant quelque chose entre les jambes du conducteur. S'imaginant sur un circuit, Sal calcule. En cas de freinage brusque, la neige pourrait dévier sa trajectoire. Or, il faut en tenir compte: la panique cloue parfois les gens sur place. Il verra — on n'en est pas là. Bingo. À une poignée de secondes de l'impact, la piétonne recule. Répulsion et incrédulité déforment ses traits. «Gagné», dit Sal en levant la main vers Korn, qui y accole la sienne.
Pour se rendre à l'entrepôt, ils virent de nouveau à gauche, empruntant l'avenue du Parc. Quelle chance! Au niveau de Milton, une dame blonde pose un pied sur le passage clouté. Pas de feu tricolore à cet endroit; la loi leur facilite la tâche. La piétonne repère le véhicule, jauge la situation. La camionnette se déplaçant lentement, elle a largement le temps de traverser. Poursuivant sa progression, elle franchit le premier tiers du passage. C'est le moment que Sal choisit pour accélérer.
Il ne sait pas pourquoi, il se met à songer à Giovanna. Giovanna n'est pas blonde. Ses boucles brunes lui donnent l'air dur. Pourtant, sa femme appartient au genre doux, voire chiffe molle, pense-t-il, mi-moqueur, mi-dégoûté. Elle ferait n'importe quoi pour lui. Sauf teindre cette satanée tignasse de jour sans pain.
Confiante en les règles élémentaires de la circulation, la dame avance sans se préoccuper de la fourgonnette — sans se préoccuper de Sal. Révolté, ce dernier augmente encore la vitesse. «Ooh!» dit Korn, comme on commanderait à un cheval fougueux. Sal n’écoute pas: il n'a toujours pas croisé le regard de la femme blonde. Pourquoi ne le sent-elle pas? Trop bien pour moi? se demande Sal. Peut-être pour s'approprier un peu de cette blondeur, il accélère davantage. L'excitation qui accompagne habituellement le jeu, cette fois, il ne la sent pas. En général, lorsque les piétons restent sereins, le divertissement perd sa saveur; dans ce cas Korn et lui ralentissent. Mais Sal est déchaîné. Il ne cèdera pas. La femme doit le regarder: il veut lire la peur dans ses yeux. Il s'approche dangereusement d'elle.
Lorsque la piétonne le remarque enfin, il est trop tard. La camionnette heurte le corps de plein fouet. Le beau visage auréolé de boucles blondes s'encastre sur le pare-brise. Malgré la coulée de sang sur le côté gauche, Sal reconnaît Giovanna. Alors il se souvient. Les cent vingt dollars, une histoire de rendez-vous chez le coiffeur — une surprise, soi-disant. Toutes les mêmes.
Sal ressent une bouffée d'excitation. Surtout, éviter la pédale de frein. Le jeu démarre vraiment maintenant. Korn et lui, hilares, méprisent la dame saisie de peur. La jolie bouche s'ouvre en un cri, éveillant quelque chose entre les jambes du conducteur. S'imaginant sur un circuit, Sal calcule. En cas de freinage brusque, la neige pourrait dévier sa trajectoire. Or, il faut en tenir compte: la panique cloue parfois les gens sur place. Il verra — on n'en est pas là. Bingo. À une poignée de secondes de l'impact, la piétonne recule. Répulsion et incrédulité déforment ses traits. «Gagné», dit Sal en levant la main vers Korn, qui y accole la sienne.
Pour se rendre à l'entrepôt, ils virent de nouveau à gauche, empruntant l'avenue du Parc. Quelle chance! Au niveau de Milton, une dame blonde pose un pied sur le passage clouté. Pas de feu tricolore à cet endroit; la loi leur facilite la tâche. La piétonne repère le véhicule, jauge la situation. La camionnette se déplaçant lentement, elle a largement le temps de traverser. Poursuivant sa progression, elle franchit le premier tiers du passage. C'est le moment que Sal choisit pour accélérer.
Il ne sait pas pourquoi, il se met à songer à Giovanna. Giovanna n'est pas blonde. Ses boucles brunes lui donnent l'air dur. Pourtant, sa femme appartient au genre doux, voire chiffe molle, pense-t-il, mi-moqueur, mi-dégoûté. Elle ferait n'importe quoi pour lui. Sauf teindre cette satanée tignasse de jour sans pain.
Confiante en les règles élémentaires de la circulation, la dame avance sans se préoccuper de la fourgonnette — sans se préoccuper de Sal. Révolté, ce dernier augmente encore la vitesse. «Ooh!» dit Korn, comme on commanderait à un cheval fougueux. Sal n’écoute pas: il n'a toujours pas croisé le regard de la femme blonde. Pourquoi ne le sent-elle pas? Trop bien pour moi? se demande Sal. Peut-être pour s'approprier un peu de cette blondeur, il accélère davantage. L'excitation qui accompagne habituellement le jeu, cette fois, il ne la sent pas. En général, lorsque les piétons restent sereins, le divertissement perd sa saveur; dans ce cas Korn et lui ralentissent. Mais Sal est déchaîné. Il ne cèdera pas. La femme doit le regarder: il veut lire la peur dans ses yeux. Il s'approche dangereusement d'elle.
Lorsque la piétonne le remarque enfin, il est trop tard. La camionnette heurte le corps de plein fouet. Le beau visage auréolé de boucles blondes s'encastre sur le pare-brise. Malgré la coulée de sang sur le côté gauche, Sal reconnaît Giovanna. Alors il se souvient. Les cent vingt dollars, une histoire de rendez-vous chez le coiffeur — une surprise, soi-disant. Toutes les mêmes.
Photo © https://unsplash.com/photos/PQGEsw0w1Zc