— Maman, je peux aller jouer chez Fernand, demain?
— Pas demain, mon p'tit bonhomme. Peut-être dimanche ou manchelun.
— Pourquoi pas demain?
— Parce qu'on va au centre de soleil avec Papa.
— Oh oui! Le centre de soleil! Chic alors!
— Tu es content, Cœur? Ça nous fera du bien à tous les trois.
— Pourquoi ça nous fera du bien à tous les trois, Maman?
— Parce que nous n'avons pas été exposés depuis longtemps.
À ces mots, la maman dépose la photo qu'elle a entrepris de découper. Elle entraîne le garçonnet dans l'entrée, devant le miroir du vestibule.
— Tu vois comme nous sommes gris? interroge-t-elle. En principe, notre peau est rosée.
— On a l'air vieux, M'man!
— Oui. Nous ressemblons plus à des éléphants qu'à des humains! Demain, ce sera rentré dans l'ordre.
— On a l'air vieux, M'man!
— Oui. Nous ressemblons plus à des éléphants qu'à des humains! Demain, ce sera rentré dans l'ordre.
Mère et fils reprennent le chemin du salon. Ils s'assoient près de l'aquarium, qui diffuse une agréable humidité.
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L'aquarium diffuse une agréable humidité. |
— Maman?
— Oui p'tit Cœur?
— Quand est-ce qu'on mange?
— Dès que Papa sera revenu.
— Où est-ce qu'il est, Papa?
— Il assiste à la réunion de l'Ataraxie.
— Qu'est-ce que c'est?
— Oui p'tit Cœur?
— Quand est-ce qu'on mange?
— Dès que Papa sera revenu.
— Où est-ce qu'il est, Papa?
— Il assiste à la réunion de l'Ataraxie.
— Qu'est-ce que c'est?
La maman prend son enfant sur ses genoux.
— Les réunions de l'Ataraxie rassemblent une dizaine de personnes qui viennent de quartiers différents. Chacune d'entre elles explique au groupe les moments importants qu'elle a vécus pendant la semaine. On ne raconte pas sa vie au complet: on parle de ce qui a bien été, ou de ce qui a moins bien été, comme on veut. On s’y rend même si on n'a pas de famille.
— À quoi ça sert, Maman?
— Ça sert à échanger de bonnes idées. Dans l'ancien temps, les familles vivaient renfermées sur elles-mêmes, comme dans des cellules. Parfois les gens se sentaient malheureux, mais ils ne savaient pas comment s'en sortir.
— Ah bon?
— À cette époque-là, certaines personnes particulièrement tristes, ou qui souhaitaient simplement être plus heureuses, s'adressaient à des thérapeutes individuels. Un peu comme des médecins, mais pour le bonheur. On considérait souvent mal ces gens-là, ceux qui voulaient aller mieux. On pensait qu'ils étaient fous, qu'ils compliquaient les choses, ou qu'il ne fallait pas leur faire confiance.
— À quoi ça sert, Maman?
— Ça sert à échanger de bonnes idées. Dans l'ancien temps, les familles vivaient renfermées sur elles-mêmes, comme dans des cellules. Parfois les gens se sentaient malheureux, mais ils ne savaient pas comment s'en sortir.
— Ah bon?
— À cette époque-là, certaines personnes particulièrement tristes, ou qui souhaitaient simplement être plus heureuses, s'adressaient à des thérapeutes individuels. Un peu comme des médecins, mais pour le bonheur. On considérait souvent mal ces gens-là, ceux qui voulaient aller mieux. On pensait qu'ils étaient fous, qu'ils compliquaient les choses, ou qu'il ne fallait pas leur faire confiance.
Le garçonnet éclate de rire.
— Papa est obligé d'y aller?
— Oui bonhomme. Il doit participer régulièrement. Je participe, moi aussi, et alors Papa reste auprès de toi.
— Et moi, maman? demande l'enfant avant de fourrer son pouce dans sa bouche.
— On te conduira lorsque tu seras plus âgé. Tu t'exprimeras seul, comme un grand, pendant que Papa et moi rejoindrons deux autres groupes. En attendant, tu joues chaque semaine au Vitavi.
— Ouiii! s'écrie le garçonnet. J'adore le Vitavi. La dernière fois, je me suis déguisé en toi. J'ai montré quand Papa et toi vous avez oublié de me border, et je suis venu vous le dire, et vous m'avez donné un immense câlin.
— Oooh, Cœur, je me souviens de ce soir-là.
— Fernand, il s'est déguisé en son oncle, parce qu'il lui fait des caresses sur son titi pendant que ses parents sont pas là... d’ailleurs maintenant, l’oncle habite plus avec eux, et ils font des marches.
— Ils font des dé-marches?
— Oui, oui, des démarches.
— Oui bonhomme. Il doit participer régulièrement. Je participe, moi aussi, et alors Papa reste auprès de toi.
— Et moi, maman? demande l'enfant avant de fourrer son pouce dans sa bouche.
— On te conduira lorsque tu seras plus âgé. Tu t'exprimeras seul, comme un grand, pendant que Papa et moi rejoindrons deux autres groupes. En attendant, tu joues chaque semaine au Vitavi.
— Ouiii! s'écrie le garçonnet. J'adore le Vitavi. La dernière fois, je me suis déguisé en toi. J'ai montré quand Papa et toi vous avez oublié de me border, et je suis venu vous le dire, et vous m'avez donné un immense câlin.
— Oooh, Cœur, je me souviens de ce soir-là.
— Fernand, il s'est déguisé en son oncle, parce qu'il lui fait des caresses sur son titi pendant que ses parents sont pas là... d’ailleurs maintenant, l’oncle habite plus avec eux, et ils font des marches.
— Ils font des dé-marches?
— Oui, oui, des démarches.
La maman ébouriffe les cheveux de son fils, puis conclut:
— Les réunions permettent de s'assurer que l'on vit bien ensemble.
*
— Maman?
— Oui mon bonhomme?
— Quand Papa revient?
— Voyons. L'assemblée termine à cent trois heures quatre-vingts. Il rentrera vers cent quatre heures. D’ici là, veux-tu m'aider?
— Oui mon bonhomme?
— Quand Papa revient?
— Voyons. L'assemblée termine à cent trois heures quatre-vingts. Il rentrera vers cent quatre heures. D’ici là, veux-tu m'aider?
Le garçonnet acquiesce. Ils prélèvent la tulipe découpée dans le carton. À mesure qu'elle émerge de la photographie, la fleur prend vie. Bientôt, plongée dans l'eau du vase, elle agrémente la pièce de sa présence végétale.
photo © https://unsplash.com/photos/TtZsbQNtr5k